Depuis plus de vingt ans, j’adapte ma discographie à mon humeur. De nombreux
groupes viennent se fondre à mon état d’esprit du moment pour disparaître le
lendemain. J’ai mis en place au fil du temps un baromètre musical et une carte
météo des groupes à écouter.
Toutefois, il existe un groupe qui
me sort des contraintes psychologiques et physiologiques du quotidien. Pas
besoin d’attendre d’être au calme ou d’avoir envie de se défouler, la batcave
anglaise old school a tout prévu à notre place : J’appelle à la barre quatre
Dieux vivants du monde underground, David J (basse), Peter Murphy (chant),
Daniel Ash (guitare) et Kevin Haskins (batterie), tous coupables d’avoir commis
le groupe parfait, BAUHAUS.
Tout dans Bauhaus me convient. En
dépit d’une carrière aussi brillante que courte, nous pouvons piocher dans les
albums studio, les live albums, les compil même, ou fin du fin s’extasier devant
une vidéo. On ne parle plus ici d’adapter la musique à son humeur, mais de se
hisser à un niveau explosif et sulfureux de plaisir et de sensualité. Vous
recherchez des émotions diverses et variées, vous avez choisi le bon coach.
Peter Murphy, leader vocal du groupe, aura le plaisir de vous envoûter avec sa
voix quasi punk qui gère toutes les ambiances, des plus mielleuses au plus
extravagantes. Bauhaus nous extrait du côté sombre de la vie et nous met en
prise direct avec nos émotions. Le plaisir, la sensualité, l’amour, la violence
et la mort deviennent nos contemporains pour nous remettre à notre rang de
futilité dans un monde incontrôlable. De la violence déroutante à la passion
déchaînée, devenons à notre tour, le temps d’un album, des écorchés vifs et
imprégnons-nous d’une musique mortellement vivante qui, dans une atmosphère
sombre et rêche, se joue des époques. Elle plane au dessus des mouvances punk et
cold wave.
Bauhaus est souvent associé à la musique vampirique
depuis le plus que célèbre « Bela Lugosi’s Dead ». Pour ma part, je n’adhère
guère cette appellation. La musique de Bauhaus est envoûtante, certes, mais je
laisse cet héritage au charme féminin et subtil de Siouxie Sue.
Bauhaus a
réussi à mélanger, sur une base goth, une atmosphère macabre et la théâtralité
glam rock. David Bowie ou Iggy Pop ne sont pas bien loin et Peter Murphy rend
hommage au premier en reprenant le Hit « Ziggy Stardust ». L’influence du
groupe remonte à son origine. Dès 1979 et la sortie de « Bela Lugosi’s Dead »,
le groupe impose un style mélodramatique et surréaliste hors norme. Le quartet
d’un nouveau genre est issu de la sinistre cité anglaise de Northampton. David
J, Daniel Ash et Kevin Haskins ont comme cursus commun l’école des beaux arts.
Peter Murphy a un charisme qui va porter le groupe sur le devant de la scène
underground naissante. Son image de catholique déchu va le suivre et les
parallèles avec Baudelaire ou Oscar wilde s’affirment quand les premières
chansons à tendance blasphématoire sortent. L’imagerie mélodramatique et
tendancieuse du groupe s’oppose à la rigueur qu’évoque en parallèle le mot
Bauhaus. Ce terme est issu de l’architecture allemande du début du XX°siècle est
plutôt synonyme de sobriété. L’école allemande a bouleversé les standards
architecturaux de l’époque. Le groupe éponyme a connu, le temps de quatre albums
studio, une reconnaissance du milieu gothique, monde que Murphy a toujours
rejeté. Ce dernier point est partagé par de nombreux artistes de cette période
charnière. De Siouxie Sue en passant par le caractériel Eldritch, les figures
mythiques de l’underground rejettent l’appartenance au milieu gothique. Sans
déclencher de débats stériles et ennuyeux qui ont fatigué de nombreux lecteurs
et journalistes, oublions la notion de cliché et pensons ouverture. La société
fonctionne par étiquette. Tout doit être à sa place et ne doit pas en bouger.
L’image de groupe gothique est trop étroite pour Bauhaus. Une assignation à un
mouvement fige un groupe. Peter Murphy a toujours souhaité offrir une
alternative musicale. La peur de Bauhaus, qui était de tomber dans l’ennui
créatif, a permis à son public de s’ouvrir à de nouvelles perceptions auditives
et affectives.
Promenez-vous dans le monde ambigu de 1980 à 1983
de Bauhaus. Cette escapade vous fera découvrir ou redécouvrir une dimension
émotionnelle que peu de groupes nous ont apportée à ce jour. L’auditeur sera
bluffé par la fraîcheur des compositions qui ne vieillissent pas. La froideur
musicale et l’acoustique irréelle y sont pour quelque chose!
Pour quelle raison le groupe s'est éteint? Je crois que personne ne sera réellement la raison. Avant la sortie du
quatrième opus en 1983, Burning from the inside, Bauhaus est au sommet en
sortant single su single. Le groupe effectue même une tournée mondiale pendant
quatre mois. Le dernier concert a lieu au London's Hammersmith Palais. David J
lance un prophétique "reste in Peace" à la fin du concert. Ce fut le titre du
Live qui s'ensuivit mais aussi l'annonce de la fin du groupe. On avance que
Peter Murphy n'avait plus sa place dans la formation. Une autre version serait
son éviction par les autres membres qui souhaitaient à trois créer un autre
groupe du nom "Love and Rockets" sans Murphy. Ce que nous savons de source
officielle, c'est tout simplement le déroulement de l'enregistrement du dernier
album. Peter Murphy avait été touché par une sévère pneumonie. Tous les
enregistrements musicaux se sont faits sans lui. Je pense que le trio a trouvé
une complicité forte loin du charisme du chanteur leader.
Pour ma part,
le meilleur album de Bauhaus est un Live. Je préfère en général les album
"studio" mais le Live qui est sorti en 1992 sous le nom "Rest in Peace" a une
intensité émotionnelle forte. Une énergie que je ne retrouve pas sur "Gotham"
sortie en 1999.
Au sein de l’univers underground, le mouvement gothique jouit d’une grande
autonomie et d’une identité propre. Son importance culturelle n’est plus à
remettre en cause. Ce statut prédominant a un responsable qui n’est autre que
Bauhaus. Ce dernier, par un travail de pionnier proche d’un concept
prophétique, est un des pères fondateurs avec Siouxie And The Banshees et Joy
Division d’un mouvement qui n’en finit pas de briller.
Depuis que j'ai changé de téléphone qui au passage est dédié musique avec un
logiciel qui lit même le Flac, j'écoute de plus en plus les oeuvres en solo de
Peter Murphy. Cette voix est magique et très belle. Le style n'est plus comme
dans l'univers de Bauhaus, mais la qualité et l'intensité sont bien là. Le
talent ne se perd pas avec les années.
Encore un grand merci à ce groupe!
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