dimanche 15 avril 2012

Bauhaus

Depuis plus de vingt ans, j’adapte ma discographie à mon humeur. De nombreux groupes viennent se fondre à mon état d’esprit du moment pour disparaître le lendemain. J’ai mis en place au fil du temps un baromètre musical et une carte météo des groupes à écouter.



Toutefois, il existe un groupe qui me sort des contraintes psychologiques et physiologiques du quotidien. Pas besoin d’attendre d’être au calme ou d’avoir envie de se défouler, la batcave anglaise old school a tout prévu à notre place : J’appelle à la barre quatre Dieux vivants du monde underground, David J (basse), Peter Murphy (chant), Daniel Ash (guitare)  et Kevin Haskins (batterie), tous coupables d’avoir commis le groupe parfait, BAUHAUS.



Tout dans Bauhaus me convient. En dépit d’une carrière aussi brillante que courte, nous pouvons piocher dans les albums studio, les live albums, les compil même, ou fin du fin s’extasier devant une vidéo. On ne parle plus ici d’adapter la musique à son humeur, mais de se hisser à un niveau explosif et sulfureux de plaisir et de sensualité. Vous recherchez des émotions diverses et variées, vous avez choisi le bon coach. Peter Murphy, leader vocal du groupe, aura le plaisir de vous envoûter avec sa voix quasi punk qui gère toutes les ambiances, des plus mielleuses au plus extravagantes. Bauhaus nous extrait du côté sombre de la vie et nous met en prise direct avec nos émotions. Le plaisir, la sensualité, l’amour, la violence et la mort deviennent nos contemporains pour nous remettre à notre rang de futilité dans un monde incontrôlable. De la violence déroutante à la passion déchaînée, devenons à notre tour, le temps d’un album, des écorchés vifs et imprégnons-nous d’une musique mortellement vivante qui, dans une atmosphère sombre et rêche, se joue des époques. Elle plane au dessus des mouvances punk et cold wave.



Bauhaus est souvent associé à la musique vampirique depuis le plus que célèbre « Bela Lugosi’s Dead ». Pour ma part, je n’adhère guère cette appellation. La musique de Bauhaus est envoûtante, certes, mais je laisse cet héritage au charme féminin et subtil de Siouxie Sue.

Bauhaus a réussi à mélanger, sur une base goth, une atmosphère macabre et la théâtralité glam rock. David Bowie ou Iggy Pop  ne sont pas bien  loin et Peter Murphy  rend hommage au premier en reprenant le Hit « Ziggy Stardust ».  L’influence du groupe remonte à son origine. Dès 1979 et la sortie de « Bela Lugosi’s Dead », le groupe impose un style mélodramatique et surréaliste hors norme. Le quartet d’un nouveau genre est issu de la sinistre cité anglaise de Northampton.  David J, Daniel Ash et Kevin Haskins ont comme cursus commun l’école des beaux arts. Peter Murphy a un charisme qui va porter le groupe sur le devant de la scène underground naissante. Son image de catholique déchu va le suivre et les parallèles avec Baudelaire ou Oscar wilde s’affirment quand les premières chansons à tendance blasphématoire sortent. L’imagerie mélodramatique et tendancieuse du groupe s’oppose à la rigueur qu’évoque en parallèle le mot Bauhaus. Ce terme est issu de l’architecture allemande du début du XX°siècle est plutôt synonyme de sobriété. L’école allemande a bouleversé les standards architecturaux de l’époque. Le groupe éponyme a connu, le temps de quatre albums studio, une reconnaissance du milieu gothique, monde que Murphy a toujours rejeté. Ce dernier point est partagé par de nombreux artistes de cette période charnière. De Siouxie Sue en passant par le caractériel Eldritch, les figures mythiques de l’underground rejettent l’appartenance au milieu gothique. Sans déclencher de débats stériles et ennuyeux qui ont fatigué de nombreux lecteurs et journalistes, oublions la notion de cliché et pensons ouverture. La société fonctionne par étiquette. Tout doit être à sa place et ne doit pas en bouger. L’image de groupe gothique est trop étroite pour  Bauhaus. Une assignation à un mouvement fige un groupe. Peter Murphy a toujours souhaité offrir une alternative musicale. La peur de Bauhaus, qui était de tomber dans l’ennui créatif, a permis à son public de s’ouvrir à de nouvelles perceptions auditives et affectives.



Promenez-vous dans le monde ambigu de 1980 à 1983 de Bauhaus. Cette escapade vous fera découvrir ou redécouvrir une dimension émotionnelle que peu de groupes nous ont apportée à ce jour. L’auditeur sera bluffé par la fraîcheur des compositions qui ne vieillissent pas. La froideur musicale et l’acoustique irréelle  y sont pour quelque chose!







Pour quelle raison le groupe s'est éteint? Je crois que personne ne sera réellement la raison. Avant la sortie du quatrième opus en 1983, Burning from the inside, Bauhaus est au sommet en sortant single su single. Le groupe effectue même une tournée mondiale pendant quatre mois. Le dernier concert a lieu au London's Hammersmith Palais. David J lance un prophétique "reste in Peace" à la fin du concert. Ce fut le titre du Live qui s'ensuivit mais aussi l'annonce de la fin du groupe. On avance que Peter Murphy n'avait plus sa place dans la formation. Une autre version serait son éviction par les autres membres qui souhaitaient à trois créer un autre groupe du nom "Love and Rockets" sans Murphy. Ce que nous savons de source officielle, c'est tout simplement le déroulement de l'enregistrement du dernier album. Peter Murphy avait été touché par une sévère pneumonie. Tous les enregistrements musicaux se sont faits sans lui. Je pense que le trio a trouvé une complicité forte loin du charisme du chanteur leader.

Pour ma part, le meilleur album de Bauhaus est un Live. Je préfère en général les album "studio" mais le Live qui est sorti en 1992 sous le nom "Rest in Peace" a une intensité émotionnelle forte. Une énergie que je ne retrouve pas sur "Gotham" sortie en 1999.



Au sein de l’univers underground, le mouvement gothique jouit d’une grande autonomie et d’une identité propre. Son importance culturelle n’est plus à remettre en cause. Ce statut prédominant a un responsable qui n’est autre que Bauhaus. Ce dernier, par un travail de pionnier proche d’un concept  prophétique, est un des pères fondateurs avec Siouxie And The Banshees et Joy Division d’un mouvement qui n’en finit pas de briller.
Depuis que j'ai changé de téléphone qui au passage est dédié musique avec un logiciel qui lit même le Flac, j'écoute de plus en plus les oeuvres en solo de Peter Murphy. Cette voix est magique et très belle. Le style n'est plus comme dans l'univers de Bauhaus, mais la qualité et l'intensité sont bien là. Le talent ne se perd pas avec les années. 


Encore un grand merci à ce groupe!


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